Sunday, August 29, 2010

Midi

Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d'argent des hauteurs du ciel bleu,
Tout se tait. L'air flamboie et brûle sans haleine;
La terre est assoupie en sa robe de feu.

L'étendue est immense, et les champs n'ont point d'ombre,
Et la source est tarie où buvaient les troupeaux;
La lointaine forêt, dont la lisière est sombre,
Dort là-bas, immobile, en un pesant repos.

Seuls, les grands blés mûris, tels qu'une mer dorée,
Se déroulent au loin, dédaigneux du sommeil;
Pacifiques enfants de la terre sacrée,
Ils épuisent sans peur la coupe du soleil.

Parfois, comme un soupir de leur âme brûlante,
Du sein des épis lourds qui murmurent entre eux,
Une ondulation majestueuse et lente
S'éveille, et va mourir à l'horizon poudreux.

Non loin, quelques boeufs blancs, couchés parmi les herbes,
Bavent avec lenteur sur leurs fanons épais.
Et suivent de leurs yeux languissants et superbes
Le songe intérieur qu'ils n'achèvent jamais.

Homme, si, le coeur plein de joie ou d'amertume,
Tu passais vers midi dans les champs radieux.
Fuis! la nature est vide et le soleil consume:
Rien n'est vivant ici, rien n'est triste ou joyeux.

Mais si, désabusé des larmes et du rire,
Altéré de l'oubli de ce monde agité.
Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire,
Goûter une suprême et morne volupté,

Viens. Le soleil te parle en paroles sublimes;
Dans sa flamme implacable absorbe-toi sans fin;
Et retourne à pas lents vers les cités infimes,
Le coeur trempé sept fois dans le néant divin.


Charles-Marie-René Leconte de Lisle

Friday, August 27, 2010

La confusion est inhérente à la crise

La confusion est inhérente à toute époque de crise. Car, en définitive, ce qu'on appelle "crise" n'est que le fait pour l'homme de passer d'une existence attachée à certaines choses et appuyée sur elles à une existence attachée à d'autres choses sur lesquelles elle s'appuie. Le passage consiste donc en deux rudes opérations : d'une part, se détacher de la source où s'alimentait la vie - n'oublions pas notre vie vit toujours grâce a une interprétation de l'Univers - d'autre part, se mettre en mesure de s'attacher à une nouvelle source de vie, c'est-à-dire s'accoutumer progressivement à une autre perspective vitale, s'habituer à considérer d'autres choses et à s'en remettre à elles. [...] Et ce n'est pas parce que le fait s'est répété plus d'une fois dans l'histoire que notre surprise s'atténuera en voyant l'homme contraint périodiquement de secouer sa propre culture et de s'en dépouiller.

Ortega y Gasset

Wednesday, August 25, 2010

Jambes


René Maltête

Wednesday, August 18, 2010

L’âme qui s’en va

La mort du Christ ou celle d’un chat, c’est la même souffrance au cœur du vivant, c’est la même douleur de mourir. C’est la même passion, qui mérite la même compassion. L’homme qui meurt en se sentant abandonné de son Dieu, le chat qui expire en poussant un grand cri, connaissent la même solitude, le même désarroi. Et dans ce cri, dans ce dernier souffle, si douloureusement rendu, c’est le fond de l’être, c’est l’âme qui s’en va.

Claude Ansgari, Plume, La part commune