Tuesday, November 1, 2011

Fuyez vous cacher !

Mettez-vous plutôt à l'écart !
Fuyez vous cacher !
Et ayez vos masques, de sorte qu'on vous confonde avec d'autres !
Et n'oubliez pas le jardin, le jardin au grillage doré !
Faites le choix de la bonne solitude.
La solitude libre, malicieuse, légère,
celle qui vous donne même le droit de demeurer bons en quelque manière !

Friedrich Nietzsche, Par delà bien et mal

Sur la route

Saturday, October 29, 2011

Considérer la fin

Il faut en toute chose considérer la fin, car à bien des hommes le ciel a montré le bonheur, pour ensuite les anéantir tout entiers.

Hérodote d’Halicarnasse

Thursday, September 22, 2011

Le torrent

Nous sommes pour moitié ce que nous sommes et pour moitié ce que nous pensons être. Dans le torrent une moitié parvient à la rive, l'autre se noie.

Fernando Pessoa

La solitude

Une seule chose est nécessaire : la solitude. Aller en soi-même et ne rencontrer, des heures durant, personne.

Rainer Maria Rilke

Réparer

Alors que nous étions assis sur le banc de pierre, je compris brusquement – et de façon désespérante – qu’il vient un moment où l’on ne peut plus rien « réparer ». On vit, on rapièce, on rafistole, on construit et quelquefois, on gâche son existence ; puis, avec le temps, on s’aperçoit que cette vie, telle qu’elle s’est constituée de hasards et d’erreurs, est parfaitement inaltérable. Lajos n’y pouvait plus rien. Lorsque quelqu’un surgit du passé pour annoncer, avec des trémolos dans la voix, qu’il veut « tout réparer », on ne peut que le plaindre et rire de ses intentions. Le temps avait déjà tout « réparé » à sa façon particulière, qui est la seule possible.

Sándor Márai, L'Héritage d'Esther

Saturday, June 25, 2011

L’arrosage du jardin

Ce que je fais volontiers, c’est l’arrosage du jardin. Étrange comme la conscience politique influe sur toutes ces opérations quotidiennes. D’où vient autrement la crainte qu’un morceau de gazon puisse être oublié, que la petite plante là-bas puisse ne rien recevoir ou recevoir moins, que le vieil arbre là-bas puisse être négligé tant il a l’air robuste. Et mauvaise herbe ou pas, ce qui est verdure a besoin d’eau, et on découvre tant de verdure en terre à partir du moment où on se met à arroser.

Bertolt Brecht, Los Angeles, mardi 20 octobre 1942

Friday, June 3, 2011

Trop de choses ont été brisées

Il y a longtemps que pour moi, vous n’êtes plus simplement un poète. J’ai cherché, j’ai trouvé et je trouve encore, dans votre poésie comme dans votre prose, bien autre chose. Même vous, je le crains, ne mesurez pas toute la profondeur, toute l’ampleur et toute la singularité de la joie qui est la mienne. Car pour moi, ce jour n’est pas simplement celui d’une entrevue flatteuse pour mon amour-propre, ce n’est pas seulement un « honneur », une « confirmation », une « consécration », c’est l’accomplissement de ce que j’avais imaginé au plus intime, au plus secret de moi-même, c’est cette histoire dont je vous parlais qui finit, comme il se doit, par se réaliser, et que la vie consacre en la transformant en une donnée nouvelle. Telle est la nature des vrais contes de fées. Je n’ai pas « réussi » dans la vie au sens où on l’entend habituellement et le bonheur, s’il est venu, a emprunté d’autres voies. Avec les années, j’en suis arrivé à me montrer méfiant envers autrui, à n’avoir foi qu’en moi-même et à m’interdire bien des chemins sur lesquels s’engagent les hommes. J’ai coutume d’affronter la vie en face, sans distinguer entre les grandes et les petites choses. C’est ainsi que l’on m’a appris à vivre et que j’ai appris à vivre à d’autres. Des promesses et des serments, je m’en suis fait beaucoup dans ma jeunesse. Bien sûr, trop de choses ont été brisées, réduites en miettes, anéanties – jamais accomplies. On m’a empêché de faire des études le moment voulu, me condamnant de la façon la plus sournoise et la plus cruelle à rester à jamais et sans espoir ignorant, à moitié inculte, paralysé. Et les années ont passé. J’ai donné au Grand Nord vingt ans de ma vie, pendant lesquels je n’ai pas touché un livre, ni un papier, ni un crayon. Et je ne parle pas de tout le reste. Mais lorsque je reprenais mes esprits – cela arrivait tout de même – je revenais à la poésie et à cette vision secrète. Aujourd’hui, je suis heureux.

Varlam Chalamov, extrait d’une lettre à Boris Paternak

Saturday, May 14, 2011

Sertie d'herbes
et de rosée -
repose ici

Niji Fuyuno

All things must pass



Un parfait néant

Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d'existence ; et que nous sommes certains, plus que par l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. Pour ma part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n'ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n'existe pas. Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort et que je ne puisse ni penser ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. Si quelqu'un pense, après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui-même, une connaissance différente, il me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui.

David Hume, Traité de la nature humaine

Friday, May 13, 2011

Sunday, May 8, 2011

Il lisait

Thomas demeura à lire dans sa chambre. Il était assis, les mains jointes au-dessus de son front, les pouces appuyés contre la racine de ses cheveux, si absorbé qu'il ne faisait pas un mouvement lorsqu'on ouvrait la porte. ceux qui entraient, voyant son livre toujours ouvert aux mêmes pages, pensaient qu'il feignait de lire. Il lisait. Il lisait avec une attention et une minutie insurpassables. Il était, auprès de chaque signe, dans la situation où se trouve le mâle quand la mante religieuse va le dévorer. L'un et l'autre se regardaient. Les mots, issus d'un livre qui prenait une puissance mortelle, exerçaient sur le regard qui les touchait un attrait doux et paisible. chacun d'eux, comme un œil à demi fermé, laissait entrer le regard trop vif qu'en d'autres circonstances il n'eût pas souffert [...] Il se voyait avec plaisir dans cet œil qui le voyait. Son plaisir même devint très grand. Il devint si grand, si impitoyable qu'il le subit avec une sorte d'effroi et que, s'étant dressé, moment insupportable, sans recevoir de son interlocuteur un signe complice, il aperçut toute l'étrangeté qu'il y avait à être observé par un mot comme par un être vivant, et non seulement un mot, mais tous les mots qui se trouvaient dans ce mot, par tous ceux qui l'accompagnaient et qui à leur tour contenaient eux-mêmes d'autres mots, comme une suite d'anges s'ouvrant à l'infini jusqu'à l'œil absolu. D'un texte aussi bien défendu, loin de s'écarter, il mit toute sa force à vouloir se saisir, refusant obstinément de retirer son regard, croyant être encore un lecteur profond, quand déjà les mots s'emparaient de lui et commençaient de le lire.

Maurice Blanchot, Thomas l'obscur

Atlantique

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L’essence de l’image

L’essence de l’image est d’être toute dehors, sans intimité, et cependant plus inaccessible et mystérieuse que la pensée du for intérieur ; sans signification, mais appelant la profondeur de tout sens possible ; irrévélée et pourtant manifeste, ayant cette présence-absence qui fait l’attrait et la fascination des Sirènes.

Maurice Blanchot

Sunday, May 1, 2011

La liberté vivante

Il faut résister contre cette dégradation de la dernière beauté de la terre et de l’idée que l’homme se fait des lieux qu’il habite. Est-ce que nous ne sommes plus capables de respecter la nature, la liberté vivante, qui n’a pas de rendement, pas d’utilité, pas d’autre objet que de se laisser entrevoir de temps en temps ?

Romain Gary

La grande pensée

La grande pensée. Reconnaître l'animalité dans l'homme et, de plus, affirmer que l'animalité est l'essence de l'homme : voilà la pensée, lourde de conséquences, décisive, annonciatrice de tempête, la pensée devant laquelle tout le reste de la philosophie moderne est rabaissé au rang d'une hypocrisie.

Giorgio Colli, Après Nietzsche, 1987

Wednesday, April 13, 2011

Et maintenant
de quel côté aller ?
le vent souffle

Santoka

Atlas

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Friday, April 1, 2011

Ici, la mort…

Ici, la mort…
Seulement la mort…
Pas de distractions…
Seulement des messages…
Des messages…
Des messages et des signes…
Des messages, des signes et des symboles…
De mort…

David Peace, 1980

Thursday, March 31, 2011

L'ultime

Il me restait une démarche à tenter, que je remettais de jour en jour, non seulement parce que je sentais qu'elle était absolument inutile mais parce qu'elle devait me conduire à l'autre, l'ultime.

Jorge Luis Borges, Le livre de sable

Wednesday, March 30, 2011

Attaqués par le néant

Plus nous sommes attaqués par le néant qui, tel un abîme, de toutes parts menace de nous engloutir, ou bien aussi par ce multiple quelque chose qu'est la société des hommes et son activité, qui, sans forme, sans âme et sans amour, nous persécute et nous distrait, et plus la résistance doit être passionnée, véhémente et farouche de notre part.
N'est-ce pas ?

Hölderlin

Tuesday, March 22, 2011

eukadieuskadieuskadi

Vois les nuées

Vois les nuées comme elles sont au-dessus de toi ! Si tu pèches, quel tort leur causes-tu ? Si tu es juste, que leur apportes-tu ?

Job, 35, 5-8

Saturday, March 19, 2011

Être artiste, c'est ne pas compter

Être artiste, c'est ne pas compter, c'est croître comme l'arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps, sans craindre que l'été puisse ne pas venir. L'été vient. Mais il ne vient que pour ceux qui savent attendre, aussi tranquilles et ouverts que s'ils avaient l'éternité devant eux.

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

Thursday, March 17, 2011

L’histoire infinie de la vie

S’il n’était rien, ou presque rien, s’il n’avait pas la moindre idée d’où il venait ni ou il allait, ni pourquoi il vivait, ni ce qu’il était censé faire (le piano n’étant qu’une illusion incertaine), s’il était, de surcroît, ballotté par des forces qu’il ne savait nommer mais qui étaient la solitude, la tristesse, la nostalgie, la colère, la peur, la nausée spirituelle - pourquoi ne prendrait-il pas sa part, intensément, de l’histoire infinie de la vie ? Pourquoi ne paierait-il pas les foutus vingt-cinq cents qui lui permettraient d’entrer dans la cathédrale, et de voir la lumière ?

Frank Conroy, Corps et âme

Tuesday, March 15, 2011

My Cats

I know. I know.
they are limited, have different
needs and
concerns.

but I watch and learn from them.
I like the little they know,
which is so
much.

they complain but never
worry,
they walk with a surprising dignity.
they sleep with a direct simplicity that
humans just can’t
understand.

their eyes are more
beautiful than our eyes.
and they can sleep 20 hours
a day
without
hesitation or
remorse.

when I am feeling
low
all I have to do is
watch my cats
and my
courage
returns.

I study these
creatures.

they are my
teachers.

Charles Bukowski

Le Chat

Wednesday, March 9, 2011

Je pense

Si j'analyse le processus qu'exprime la proposition “je pense”, j'obtiens toute une série d'affirmations téméraires qu'il est difficile, peut-être impossible de fonder ; par exemple que c'est moi qui pense, qu'il faut qu'il y ait un quelque chose qui pense, que la pensée est le résultat de l'activité d'un être conçu comme cause, qu'il y a un “je”, enfin que ce qu'il faut entendre par pensée est une donnée déjà bien établie, — que je sais ce qu'est penser. (...)
En ce qui concerne la superstition du logicien, je ne me lasserai pas de souligner un petit fait bref que ces superstitieux répugnent à avouer, à savoir qu'une pensée vient quand elle veut, et non quand “je” veux ; c'est donc falsifier les faits que de dire : le sujet “je” est la condition du prédicat “pense”. Quelque chose pense, mais que ce quelque chose soit précisément l'antique et fameux “je”, ce n'est à tout le moins qu'une supposition, une allégation, ce n'est surtout pas une “certitude immédiate”. Enfin, c'est déjà trop dire que d'avancer qu'il y a quelque chose qui pense ; déjà ce “quelque chose” comporte une interprétation du processus et ne fait pas partie du processus lui-même. On déduit ici, selon la routine grammaticale : “penser est une action, or toute action suppose un sujet agissant, donc..." (...) peut-être les logiciens eux aussi s'habitueront-ils un jour à se passer de ce petit “quelque chose”, qu'a laissé en s'évaporant le brave vieux “moi”.

Friedrich Nietzsche, Par delà le bien et le mal

Je peux

Il est à présent six heures du soir, ma journée de travail est finie. Je peux maintenant faire une promenade ou bien je peux aller au club je peux aussi monter sur la tour, pour voir le coucher du soleil ; je peux aussi aller au théâtre, je peux faire une visite à tel ami ou à tel autre, je peux même m'échapper par la porte de la ville m'élancer au milieu du vaste univers, et ne jamais revenir. Tout cela ne dépend que de moi, j'ai la pleine liberté d'agir à ma guise et cependant je n'en ferai rien, mais je vais rentrer non moins volontairement au logis, auprès de ma femme.
C'est exactement comme si l'eau disait : « Je peux m'élever bruyamment en hautes vagues (oui certes, lorsque la mer est agitée par une tempête !), je peux descendre d'un cours précipité en emportant tout sur mon passage (oui, dans le lit d'un torrent), je peux tomber en écumant et en bouillonnant (oui, dans une cascade), je peux m'élever dans l'air, libre comme un rayon (oui, dans une fontaine), je peux enfin m'évaporer et disparaître (oui, à 100 degrés de chaleur) et cependant je ne fais rien de tout cela, mais je reste de mon plein gré, tranquille et limpide, dans le miroir du lac. »
Comme l'eau ne peut se transformer ainsi que lorsque des causes déterminantes l'amènent à l'un ou à l'autre de ces états de même l'homme ne peut faire ce qu'il se persuade être en son pouvoir, que lorsque des motifs particuliers l'y déterminent. Jusqu'à ce que les causes interviennent, tout acte lui est impossible, mais une fois qu'elles agissent sur lui, il doit, aussi bien que l'eau, agir comme l'exigent les circonstances correspondant à chaque cas.

Arthur Schopenhauer, Essai sur le libre arbitre

Notre moi

Il y a certains philosophes qui imaginent que nous avons à tout moment la conscience intime de ce que nous appelons notre moi ; que nous sentons son existence et sa continuité d'existence ; et que nous sommes certains, plus que par l'évidence d'une démonstration, de son identité et de sa simplicité parfaites. Pour ma part, quand je pénètre le plus intimement dans ce que j'appelle moi, je bute toujours sur une perception particulière ou sur une autre, de chaud ou de froid, de lumière ou d'ombre, d'amour ou de haine, de douleur ou de plaisir. Je ne peux jamais me saisir, moi, en aucun moment sans une perception et je ne peux rien observer que la perception. Quand mes perceptions sont écartées pour un temps, comme par un sommeil tranquille, aussi longtemps, je n'ai plus conscience de moi et on peut dire vraiment que je n'existe pas. Si toutes mes perceptions étaient supprimées par la mort et que je ne puisse ni penser ni sentir, ni voir, ni aimer, ni haïr après la dissolution de mon corps, je serais entièrement annihilé et je ne conçois pas ce qu'il faudrait de plus pour faire de moi un parfait néant. Si quelqu'un pense, après une réflexion sérieuse et impartiale, qu'il a, de lui-même, une connaissance différente, il me faut l'avouer, je ne peux raisonner plus longtemps avec lui.

David Hume, Traité de la nature humaine

Un moteur détraqué

Le vacarme commence au moment où l'on se tait et où l'on entend les pensées des autres se déplacer à l'intérieur d'eux comme les pièces d'un moteur détraqué qui essaient de s'ajuster.

Antonio Lobo Antunes, L'ordre naturel des choses

Monday, March 7, 2011

On me parle de mots

On me parle de mots, mais il ne s'agit pas de mots, il s'agit de la durée de l'esprit.
Cette écorce de mots qui tombe, il ne faut pas s'imaginer que l'âme n'y soit pas impliquée. À côté de l'esprit, il y a la vie, il y a l'être humain dans le cercle duquel cet esprit tourne, relié avec lui par une multitude de fils...

Antonin Artaud, Fragments d'un journal d'enfer

Telle est ta destinée

Comme, dans le jour qui t’a donné au monde,
Le soleil était là pour saluer les planètes,
Tu as aussi grandi sans cesse,
D’après la loi selon laquelle tu as commencé.
Telle est ta destinée; tu ne peux t’échapper à toi-même;
Ainsi parlaient déjà les sibylles; ainsi les prophètes;
Aucun temps, aucune puissance ne brise la forme empreinte
Qui se développe dans le cours de la vie.

Goethe, Poésies

Sunday, February 27, 2011

Sous le masque

Sous le masque j’ai mis le vide
Dans le vide j’ai mis les mille lettres de l’alphabet,
Cela fait un beau concert
Bien qu’il n’y ait personne.
Et pourtant, j’attends, j’attends, j’attends,
J’attends le zéro qui ne viendra jamais.

Georges Ribemont-Dessaignes, Attente, D, I, 97, 1929

Tuesday, February 22, 2011

On the Crossroad

A la croisée des chemins, le 09 juin 1999 | photo BBL

Friday, February 11, 2011

Une pause

Aux admirateurs de lune
les nuages parfois
offrent une pause

Matsuo Bashô

Fishing Pier

Michael Levin, Fishing Pier, 2006

Sous l’orage

Sous l’orage des roses
Où que nous allions sous l'orage de roses
la nuit est éclairée d'épines, et le tonnerre
du feuillage, naguère si doux dans les buissons,
est désormais sur nos talons.

Ingeborg Bachmann

Les nuages nagent

Les nuages nagent comme des enveloppes géantes, comme des lettres, que s'enverraient les saisons.
Ismaïl Kadaré

Saturday, February 5, 2011

Emportez-moi

Emportez-moi dans une caravelle,
Dans une vieille et douce caravelle,
Dans l'étrave, ou si l'on veut, dans l'écume,
Et perdez-moi, au loin, au loin.
Dans l'attelage d'un autre âge.
Dans le velours trompeur de la neige.
Dans l'haleine de quelques chiens réunis.
Dans la troupe exténuée des feuilles mortes.
Emportez-moi sans me briser, dans les baisers,
Sur les tapis des paumes et leurs sourires,
Dans les corridors des os longs, et des articulations.
Emportez-moi, ou plutôt enfouissez-moi.

Henri Michaux, Mes propriétés, 1938

Saturday, January 29, 2011

La Neige

Déjà je l'imagine
tombant sur mon cadavre
la neige

Kyoshi Takayama

Tuesday, January 4, 2011

Se retrouver dans un état d'extrême secousse, éclaircie d'irréalité, avec dans un coin de soi-même des morceaux du monde réel.
Antonin Artaud